Le secteur de la santé traîne la patte
A la question de savoir quelles sont les disruptions majeures auxquelles on est confronté dans le secteur de la santé, Dimitri Djordjevic, directeur général et CEO de la clinique La Source à Lausanne, reconnaît que l’on vit dans un monde ou l’on compte au moins un siècle de retard. Il note qu’un robot d’assistance a été installé récemment dans sa clinique, mais que cela fait 20 à 30 ans que l’on a la réciproque dans l’industrie. Pour lui, la dichotomie est très perceptible dans le secteur médical. «Aujourd’hui, rien n’empêche qu’un médecin opère depuis New York un patient qui se trouve à Lausanne», précise-t-il. «A l’avenir, il est incontestable que l’on ira dans une telle direction ».
De son côté, Pierre-Paul Cornet relève que l’une des difficultés que l’on rencontre actuellement est que le chirurgien intervient dans un monde, alors que le technicien qui l’accompagne a l’habitude d’évoluer dans le sien. Ce dernier passe la main à un de ses collègues parce qu’il a terminé sa journée de travail», admet-il. «Deux dimensions sont par ailleurs à prendre en considération. La première consiste à savoir comment apprendre dans un tel contexte en pleine évolution et la deuxième est de savoir comment on prépare l’ensemble des collaborateurs pour qu’ils soient à l’aise dans un certain niveau de flou».
Le dossier informatisé des patients sur la sellette
Pour ce qui est de la situation dans laquelle nous nous retrouvons actuellement en ce qui concerne le dossier électronique des patients (DEP), Dimitri Djordjevic se montre encore assez dubitatif. «On ne se trouve actuellement qu’en phase de numérisation de documents papier», relève-t-il. Seule la digitalisation des données pourra amener une réduction des coûts.» Il note par ailleurs que la responsabilité de la protection des données contenues dans les dossiers informatiques va être entièrement du ressort du patient, qui en reste garant de sa mise à jour.
Il souligne en outre que selon les débats en cours dans notre pays, les médecins traitants installés ne seront pas soumis à la législation et aux ordonnances d’application qui s’y attachent. Seuls le seront les hôpitaux et les cliniques, ce qui les rendra incomplets.
Pour Alexis Zawodnik, médecin et chef de secteur de la santé numérique à la direction de la santé de l’Etat de Genève, l’intérêt du dossier électronique des patients est incontestable. «On devrait rendre l’existence du DEP obligatoire. Les patients risquent pourtant d’être interloqués à sa lecture, car ils contiennent des informations libellées de manière brute et dans le jargon médical.
Les géants du Net se tiennent en embuscade
Par ailleurs, Amazon risque de devenir le plus important gérant de la santé publique sur le plan mondial. «La relation entre le détenteur d’un DEP et le géant de l’internet peut dès lors devenir captive», regrette-t-il. «J’ai malgré tout de la peine à prévoir où l’on se retrouvera dans ce domaine d’ici cinq ou dix ans.
A cette prédiction, Pierre-Paul Cornet répond que sa conviction est que le statut d’un établissement de soins tels que les HUG est condamné à évoluer. «On doit travailler selon deux axes : redonner du sens au travail dans les établissements de soin, car le personnel se retrouve en situation de souffrance et les règles y sont trop rigides et d’autre part inciter le management à reprendre confiance, ce qui implique un retour aux basiques et à transformer les habitudes ancestrales.»