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La troisième édition du Forum Management Montreux, jeudi 26 septembre 2019, se penchera sur l’impact des nouvelles technologies sur l’organisation et les rapports de travail. Intelligence artificielle et digitalisation pourraient redessiner le rôle des managers.

Regarder la crise du management en face, c’est le mot d’ordre de Marcel Lucien Goldschmid, psychologue et président du Forum Management Montreux, dont la troisième édition se tiendra ce jeudi 26 septembre au Royal Plaza.

Au programme, plusieurs conférences et workshops sur l’intégration des nouvelles technologies au sein des organisations ainsi que la redéfinition de la mission manageriale, déjà largement battue en brèche selon l’organisateur: «On assiste à une remise en cause du management en général. Faire face au vieillissement de la population, attirer et retenir les talents -alors même que selon une étude de Gallup, 80% des employés quittant une entreprise invoquent une mésentente avec leur manager- sont autant de défis auxquels vient s’ajouter désormais la mutation technologique des organisations.»

Nouvelle culture d’entreprise

Le FMM, dont l’objectif affiché est de «contribuer à l’amélioration du management», tentera d’apporter des réponses sur des secteurs particulièrement impactés par la disruption, en particulier la santé, afin de définir les modèles de management de demain.

Cœur de la réflexion, un panel d’experts dans les domaines de la digitalisation et de l’intelligence artificielle débattront sur les évolutions profondes attendues sur l’emploi et le management au sein des organisations. Parmi les intervenants, Raphaël Rollier, responsable innovation et management à l’Office fédéral de topographie, pour qui un enjeu essentiel est d’insuffler une nouvelle culture d’entreprise.

Il évoquera deux cas de PME suisses dont la digitalisation du produit a profondément modifié l’activité. «L’installation de capteurs et la remontée de données change totalement la façon de travailler et de manager. D’un coup, de nouvelles expertises software sont recherchées, les sources de revenus changent et avec, les métriques et objectifs fixés aux employés. Les ingénieurs ne peuvent plus se contenter de développer des produits dans leur coin, on adopte une perspective basée sur les feedbacks et besoins des clients finaux. Le design thinking devrait encore monter en puissance.»

Pour le management, il s’agira alors de déterminer comment engager l’organisation vers une plus grande adaptabilité, selon Raphaël Rollier: «Le frein humain en général, et peut-être plus encore dans la culture suisse, c’est de ne pas oser. Vouloir faire parfait d’entrée n’est souvent plus la bonne approche. Il faut oser sortir un produit en six mois au lieu de deux ans même s’il n’est pas parfait, quitte à ajuster par la suite en fonction des retours clients.»

Managers menacés?

Les craintes sur l’emploi et le fantasme de la disparition du travail suite à la montée en puissance de l’intelligence artificielle feront l’objet d’échanges nourris. Laura Tocmacov, managing director d’Impact IA et Jérôme Berthier, expert en intelligence artificielle et vice-président d’Empowerment Foundation viendront confronter expérience et vision.

Dans une perspective à long terme Laura Tocmacov relève ainsi que «certains experts estiment que techniquement nous sommes déjà en mesure d’automatiser 70 à 80% des tâches des employés», tout en estimant que «certains métiers manuels comme plombier restent relativement protégé face à un risque de disruption.» Jérome Berthier défendra de son côté une approche plus mesurée, estimant que «dans les cinq à dix ans à venir, les applications resteront très centrées sur ce que nous expérimentons actuellement, à savoir notamment des chatbots ou encore de la maintenance prédictive, qui ne remplacent pas le travailleur mais l’assistent.»

Le débat sur la place du manager sera d’autant plus vif, qu’il s’apprête peut-être selon Jérome Berthier à subir plus frontalement les conséquences de l’intelligence artificielle : «Il n’y a plus d’entonnoir. Certes les hauts profils a fort niveau d’expertise peuvent apparaître mieux protégés, mais les position manuelles et d’artisanat,  coiffeur par exemple, également. Ce sont les compétences du milieu, en particulier manageriales, qui sont peut-être les plus menacées. Comptabilité et reporting seront réalisés rapidement et avantageusement par l’intelligence artificielle.»

Empowerment: repenser la valeur ajoutée humaine

Pour autant, pour Jérome Berthier, l’enjeu premier est moins le remplacement de l’homme que la redéfinition de la valeur ajoutée humaine dans le cadre de l’interaction grandissante entre homme et machine: «Dans un premier temps, l’intelligence artificielle ne devrait pas détruire l’emploi. Je parlais avec des responsables de call centers, ils n’arrivent plus à faire face à la masse d’appels, les employés de bureaux ne parviennent plus à traiter les dizaines de mails quotidiens. L’intelligence artificielle sera un auxiliaire bienvenu. En revanche, cela nécessite une remise à plat des compétences. Notamment les RH qui ne feront plus de la saisie pourront se concentrer sur la valeur ajoutée humaine de leur fonction.»

Susciter l’adhésion et l’engagement des employés ne se fera toutefois pas seul, selon laura Tocmacov : «Il y a des craintes importantes qui se font jour. Une énorme question est: comment convaincre un employé de «former» une intelligence artificielle à le remplacer sur certaines tâches ? Ou encore de travailler avec une IA qui vous observe. Gérer l’interaction homme-machine est un enjeu central du management de demain ».

https://www.bilan.ch/entreprises/le-management-face-au-defi-technologique