“ Il y a trois ans, les experts ne parlaient que de disruption, de révolution numérique… Aujourd’hui, on a compris que l’on ne réussira pas à transformer l’entreprise sans prendre en compte l’humain. Les enjeux sont énormes: pour se réinventer, les entreprises auront besoin de compétences qui n’existent pas aujourd’hui. Elles ont donc besoin d’être attractives et exemplaires en ce qui concerne l’humain et la qualité de vie.”  Caroline Lebrun

Avec l’invasion de la technologie, des communications virtuelles, des processus dépersonnalisés, des robots, avatars et autres bots, l’aspect humain tend à disparaître. Les conséquences ne se sont pas fait attendre: désengagement, souffrance, stress, burnout pour les collaborateurs et pertes financières pour les entreprises. La rupture entre le vécu personnel et celui au travail a créé un mal-être qui ne cesse de s’amplifier. Il est devenu urgent de reconnaître en chaque personne une valeur unique: sa personnalité, ses envies et ses perspectives de vie.

Alors que la tranche de vie au travail occupe une place prépondérante – semaines de 50 heures ou plus avec les déplacements, difficulté de déconnecter, work-life balance en péril -, comment les organisations peuvent-elles répondre aux attentes toujours plus pressentes sur le plan humain? Comment retrouver dialogue et compassion? Comment recréer une culture et des relations qui assurent le bien-être et des modalités de vivre ensemble en harmonie?Dans ce contexte, la recherche d’un environnement de travail plus humain, en meilleure adéquation avec les besoins psychologiques prend tout son sens et s’amplifiera encore. Pour réussir cette transformation, les études ont révélé cinq dimensions essentielles, présentées ci-dessous.

1. Prendre conscience de l’importance de l’humain

“Le personnel est davantage considéré comme un «moyen» alors qu’il devrait être au contraire une source de progrès sur laquelle repose toute forme de développement, notamment à travers la qualité des relations interpersonnelles, la solidarité, l’œuvre collective, l’ingéniosité, le talent ou le potentiel innovant de chaque acteur.” Jean-Yves Bück

En devenant les collaborateurs d’une entreprises, hommes et femmes restent avant tout des êtres humains. Ils ne changent pas leur personnalité, leurs envies, leurs motivations, leurs attentes. Leurs besoins fondamentaux restent les mêmes. Ils recherchent des expériences positives, des relations enrichissantes, de la reconnaissance, un sens dans ce qu’ils font, des moments de bonheur et d’épanouissement au travail comme dans leur vie privée.

En prenant conscience que nous passons une majeure partie de notre vie éveillée au travail, l’importance capitale de cette réalité s’impose. Et les entreprises qui ont compris cet enjeu en récoltent les fruits: les études montrent très clairement que bien-être rime avec productivité. Respecter les besoins humains et y répondre représente un avantage compétitif sur tous les plans. En découlent notamment moins d’absentéisme et de rotation, une image positive de l’entreprise, la fidélisation des talents, plus d’innovation et de meilleurs rapports avec la clientèle.

2. Réinventer le management

“Alors que le travail dans le monde subit un changement extraordinaire, la pratique du management est restée gelée depuis plus de 30 ans. Selon le sondage international de Gallup, beaucoup de gens détestent leur job et spécialement leur chef. ” Jim Clifton

Il est grand temps de ré-imaginer le management. L’approche hiérarchique traditionnelle en place (pyramidale, top-down, command and control) ne répond plus aux nouvelles exigences et attentes des collaborateurs.

Pour faire vivre cette vision de l’humain au centre, c’est d’abord aux dirigeants et aux managers de la modéliser et de donner l’exemple par leur comportement et leurs actions. “C’est en leur donnant d’abord le meilleur de nous-même que nous pourrons aider nos collaborateurs à donner le meilleur d’eux.”

On ne peut guère surestimer l’impact du supérieur direct sur la motivation, la satisfaction et les émotions au travail. L’expression «On rejoint une entreprise et on quitte un manager » parle d’elle-même.

Il est nécessaire de revaloriser les choix du manager quand il tient compte de la dimension humaine, qu’il fait preuve d’humilité, d’écoute, de soutien, qu’il s’appuie sur le coaching, le feedback et qu’il exprime sa reconnaissance à son équipe. Lorsque ces éléments sont réunis, cela engendre un vrai engagement, du respect, de l’empathie, de l’intégrité, une envie de collaborer et de l’intelligence collective.

Les ressources humaines devraient constituer un axe stratégique. Bien aligné sur cette conception du management, “le premier objectif des ressources humaines et le plus important est celui de redonner toute la place nécessaire à la dimension humaine de l’entreprise, seul facteur de différenciation, d’innovation et de succès durable.”

3. Transformer l’environnement du travail

“La quatrième révolution industrielle pourrait priver l’humanité de son cœur et son âme ou elle pourrait élever l’humanité à une nouvelle conscience collective et morale basée sur un sentiment de destin commun.” Klaus Schwab

Les deux composantes les plus importantes de l’environnement du travail sont constituées par la dimension humaine et l’espace physique. Les relations harmonieuses entre collègues et entre collaborateurs et managers sont primordiales pour vivre une expérience positive au travail. Une communication ouverte et transparente, ainsi que la confiance représente un levier de cohésion qui contribue à l’esprit d’équipe.

L’espace physique, ressenti dans bien des entreprises comme impersonnel et en rupture avec l’environnement du foyer, doit être repensé. Le bureau est un lieu de vie où les travailleurs passent souvent plus de temps qu’à la maison. Il est essentiel qu’ils y retrouvent un endroit où ils se sentent bien physiquement et émotionnellement. Les infrastructures, l’équipement et les outils doivent être à la hauteur et correspondre à ce que les travailleurs utilisent quotidiennement dans leur vie prvée.

Revoir l’ensemble de l’expérience collaborateur de manière systématique est très révélateur et permet d’améliorer le vécu au travail en profondeur. La compréhension globale de chaque phase, depuis l’embauche jusqu’à la sortie, permet à l’entreprise d’agir d’une manière cohérente. L’adéquation de l’espace physique tout comme les émotions ressenties, le sens du travail et les rapports avec la hiérarchie jouent un rôle décisif dans l’appréciation de l’environnement au travail et sa contribution au bien-être et la satisfaction.

4. Valoriser les collaborateurs

“L’entreprise ne doit-elle pas considérer que chacun de ses collaborateurs porte en lui un potentiel spécifique et que les conditions doivent être créées pour que ce potentiel puisse éclore?” Gilles Verrier

Le fait d’être apprécié et traité comme un être humain et pas uniquement comme une ressource ou un moyen de production compte plus que tout autre chose. L’entreprise doit prendre soin de reconnaître les contributions des collaborateurs, de célébrer leurs réussites et de respecter l’équilibre entre le travail et la vie privée.

Il est capital d’identifier les forces et les motivations spécifiques de chacun et de les utiliser de façon optimale dans l’ensemble de leurs activités au plus grand profit de leur engagement et des bénéfices de l’entreprise. Leur confier de nouvelles tâches, les encourager à prendre des initiatives, expérimenter des nouvelles voies et apprécier leur potentiel fait partie de leur valorisation.

Les nouvelles générations recherchent surtout le sens et l’utilité de leur travail. Le développement personnel et l’enrichissement de leurs compétences sont prioritaires pour eux, même au-delà du salaire. Les millénaires sont particulièrement vulnérables au stress: 70% d’entre eux ressentent un burnout chronique ou occasionnel. Ils ont besoin de managers qui se soucient de leur bien-être, qui les coachent et qui leur octroient un maximum de flexibilité et d’autonomie.

5. Anticiper l’avenir du travail

“Tout employé, quel que soit son domaine ou son statut, devra comprendre ce que seront l’emploi et le travail à l’avenir et s’y préparer aujourd’hui.” Jeanne Meister

Le monde n’est pas seulement en train de changer rapidement, il est déjà complètement transformé. Les avances et disruptions technologiques sont telles quenous avons énormément de peine à suivre et à nous adapter.

Les défis auxquels devront faire face les organisations se multiplient: la digitalisation à tous les niveaux et dans tous les secteurs; l’utilisation des média sociaux en expansion constante; les nouvelles générations avec d’autres attentes et perspectives seront en majorité; le nombre de freelancers ou travailleurs indépendants explose; la robotisation aura remplacé près de la moitié des jobs et de nouvelles professions, encore mal définies, se profilent à l’horizon.

Les changements profonds et la déshumanisation croissante des rapports ne se limite pas à l’intérieur de l’entreprise, mais s’accélèrent également dans les relations avec l’extérieur: l’externalisation des emplois, les contacts avec les clients par l’intermédiaire d’avatars, les interactions par voie digitale…

Le challenge de sauvegarder le rôle central de l’humain prendra un poids décisif non seulement pour les entreprises, mais pour la société et l’humanité toute entière.