« Les gens qui n’ont pas de contrôle sur leur vie émotive sont constamment engagés dans des batailles internes qui sabotent leur aptitude à se concentrer sur leur travail et à avoir une pensée claire. »   Daniel Goleman

Un haut niveau d’intelligence émotionnelle (QE) est l’une des caractéristiques principales des meilleurs managers. L’habileté cognitive, les compétences techniques et la créativité contribuent toutes à la réussite des managers, mais c’est leur capacité à manager les gens, les « people skills » qui fait la différence.

Pourtant, lors de la sélection des managers, l’importance de leur QE est souvent négligée au profit de leur expertise spécialisée, considérée comme critère de choix décisif. Par conséquent, des personnes compétentes sur le plan technique sont promues sans avoir les aptitudes à diriger des gens (1).

Ce qui aggrave encore la situation, c’est le manque de formation en QE. Typiquement, la part du lion du budget et du temps de formation porte sur les compétences techniques, pour la plupart déjà bien rodées.

C’est une énorme erreur ! L’efficacité même de tout manager responsable d’une équipe dépend de cette habilité fondamentale. Comme Google l’a découvert dans son «projet oxygène», les compétences techniques de leurs managers étaient beaucoup moins valorisées par leurs collaborateurs que leurs compétences interpersonnelles et leur savoir-être. Google a pu vérifier ce vieux constat que les gens ne quittent pas une organisation, mais des managers toxiques (2).

En négligeant l’intelligence émotionnelle comme critère de sélection et dans la formation des managers, les entreprises en subissent les conséquences: pertes financières massives, démotivation des employés et stress, taux de rotation élevé, départ des talents, mauvais service à la clientèle et manque d’innovation (3).

La bonne nouvelle est que, contrairement au QI et à la personnalité qui sont établis tôt et restent relativement constants, l’intelligence émotionnelle est plus flexible. Elle peut être apprise et développée par la formation et le coaching (Goleman 2014).

L’intelligence émotionnelle est une compétence que le manager a besoin d’acquérir notamment pour faire face à des situations critiques qu’ils rencontrent quasiment tous les jours. Sept de ces situations où le QE, selon les études, se révèle essentiel pour réussir sont décrites ci-dessous.

1. Le leadership

“En règle générale, plus la position dans l’organisation est élevée, plus le QE compte: pour les personnes se trouvant dans une position de leader, 85% de leurs compétences se trouvent dans le domaine de l’intelligence émotionnelle.” Daniel Goleman 

La recherche a démontré très clairement le rôle décisif du QE dans le leadership. Il constitue l’une des cinq dimensions principales du leadership transformationnel ou servant, l’un des styles de leadership les plus puissants (4).

Les plus grands leaders sont conscients de leurs émotions et de leur impact sur les autres. Leur capacité à réguler leurs émotions et leur empathie leur permettent de maximiser leur influence.

Leur communication efficace et leur confiance en soi les rendent capables d’inspirer les autres par leur vision. Leur engagement à développer les autres et assurer leur bien-être est crucial pour faire progresser une organisation et se renouveler constamment.

2. Engagement et motivation

Une culture d’entreprise florissante est caractérisée par les composantes fondamentales de l’intelligence émotionnelle. La réciprocité constitue une base essentielle de l’engagement: sans une relation bienveillante et authentique entre manager et employés basée sur la confiance et le respect, les collaborateurs ne s’engageront pas à performer au plus haut niveau. Reconnaître leurs efforts et valoriser leurs contributions est tout aussi indispensable (5).

Percevoir le sens du travail et ses finalités, avoir la possibilité d’utiliser ses forces et développer la maîtrise représentent les ingrédients clés de la motivation intrinsèque, le moteur principal de l’engagement et de la performance, ainsi que la base de l’épanouissement et de la satisfaction.

Des conditions de travail et un moral élevé, profondément marqués par le niveau du QE des managers, améliorent la qualité des services, augmentent l’attirance des talents et leur rétention, et ultérieurement, bien sûr, la satisfaction des clients et les bénéfices de l’entreprise.

3. Les relations

“Personne ne s’enquiert de l’étendue de votre savoir avant de s’assurer que vous vous souciez d’eux.”    Stephen Covey

L’empathie, l’habilité à se placer dans la situation d’un autre et à comprendre ses émotions est critique pour pouvoir répondre à ses besoins de manière appropriée. S’enquérir de l’état émotionnel d’une autre personne, être attentif aux changements de comportement, d’humeur et de performance constitue un bon moyen pour explorer et saisir l’état interne d’une autre personne. Témoigner de la compassion est essentiel pour créer des rapports approfondis.

Une bonne communication, des messages clairs et convaincants, ainsi qu’une écoute active sont des compétences indispensables pour les managers dans leurs rôles de représentants de l’organisation vis-à-vis de l’extérieur, ainsi qu’à l’interne en tant que team leader et dans leurs relations avec leurs supérieurs. Les indices non-verbaux, tels que l’expression faciale, le contact visuel, le ton, la posture et les gestes, sont souvent beaucoup plus révélateurs que le contenu du message.

S’ouvrir à autrui, à ses idées et ses besoins, apprendre d’eux, insister sur la collaboration et l’esprit d’équipe amélioreront les relations et rehausseront la productivité. De même que la flexibilité et la capacité d’adaptation au changement et une attitude positive et optimiste.

Le projet Oxygène de Google, mentionné plus haut, a mis en évidence l’impact des «soft skills» des managers, de la qualité de leur communication et de la façon dont ils prennent soin de leur équipe sur l’estime de soi, la confiance en soi et le bien-être de leurs subordonnés, ainsi que sur leur productivité et performance (2).

4. Le recrutement

“Dans une étude sur les compétences qui distinguaient les performeurs-vedettes, du premier échelon aux postes de direction et dans tous les secteurs, le facteur le plus important n’était pas le QI, les diplômes de formations supérieures ou l’expertise technique, mais le QE.”   Daniel Goleman

L’une des responsabilités la plus importante des managers et l’un de leurs défis majeurs est le recrutement de personnel compétent, les talents étant toujours très difficiles à trouver, tout comme les candidats qui correspondent le mieux au poste.

Comme l’ont démontré de nombreuses études, le succès professionnel et la performance sont fortement influencés par les compétences personnelles, telles que la conscience de soi et la régulation de ses émotions, ainsi que les compétences sociales comme l’aptitude à créer des relations harmonieuses.

Des informations qui pourraient révéler le QE des candidats sont rarement contenues dans leur CV. La capacité d’adaptation, l’empathie, la créativité, l’enthousiasme ou encore l’engagement sont des qualités qui ne peuvent être dévoilées que lors de l’entretien d’embauche.

Des tests d’auto-évaluation du QE risquent de ne pas être fiables. Dans la mesure où l’intelligence émotionnelle est une aptitude, les candidats seraient capables de déceler la bonne réponse dans une situation donnée. Des évaluations multiples par des observateurs indépendants seraient susceptibles de fournir des résultats plus exacts. Mais il faut relever le fait que, comme c’est le cas pour toute autre compétence, l’intelligence émotionnelle peut être utilisée à mauvais escient, par exemple, pour manipuler les autres (6).

Il est évident que le niveau du QE des managers eux-mêmes joue un rôle décisif dans les entretiens. Leur aptitude à écouter attentivement, à poser des questions probantes, à observer le comportement des candidats, par exemple, déterminera combien d’informations utiles ils obtiendront sur le QE du candidat.

Finalement, l’orientation et l’accueil des nouveaux collaborateurs dans l’entreprise fait partie intégrante du processus de recrutement. Pendant cette période d’essai, d’autres opportunités se présentent pour évaluer le QE et le potentiel d’une bonne correspondance au poste de travail des nouveaux arrivés avant leur engagement définitif.

5. Le team building

“De nombreuses personnes ont été capables d’aller plus loin que ce dont elles s’imaginaient capables parce que quelqu’un était convaincu qu’elles le pouvaient.”   Zig Ziglar

Les managers sont les piliers et l’âme du team building. Et l’intelligence émotionnelle est la compétence clé que les managers doivent maîtriser s’ils désirent créer une équipe soudée et performante. Aider le collaborateurs à définir leurs objectifs et priorités, ressentir ce dont ils ont besoin pour progresser et développer leurs forces, questionner plutôt que d’affirmer, travailler ensemble à la réalisation d’un objectif commun et générer une synergie dans la poursuite des buts collectifs de l’organisation sont autant de tâches qui incombent aux managers.

Les cadres dotés d’un QE élevé sont capables d’identifier leurs propres émotions et leur impact sur l’équipe. Ils sont conscients de l’effet contagieux d’un esprit positif ou négatif sur les autres.

Reconnaître et encourager les efforts individuels et les contributions de l’équipe sont des facteurs fondamentaux de la motivation. Respecter un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée contribue également au bien-être et à la productivité des collaborateurs.

Google a observé que leurs managers les plus performants investissent beaucoup de temps dans la relation avec chacun de leurs collaborateurs. Ils inspirent leur équipe, encouragent l’autonomie et évitent le micro-management. Ils offrent un feedback constructif, expriment un intérêt pour le succès des membres de leur équipe et leurs préoccupations en dehors du travail (2).

6. La gestion des conflits

“Ecoutez d’abord. Donnez à vos adversaires la chance de parler. Laissez les finir. Ne résistez pas, ne vous défendez pas, ne débattez pas. Ceci ne fait que dresser des barrières. Essayez de construire des ponts de compréhension.” Dale Carnegie

Une tâche qui incombe souvent aux managers consiste à aider les collaborateurs à résoudre des conflits entre eux, entre employés et clients ou entre eux-mêmes et les membres de l’équipe.

Comme les recherches l’ont démontré, maîtriser les conflits fait appel à l’intelligence émotionnelle, la prise en considération des émotions des personnes des deux côtés d’un problème, poser des questions pertinentes et offrant des solutions (7). Etant affirmatif et évitant les deux extrêmes, une approche passive ou agressive, est une manière efficace de résoudre un conflit.

Lié à la gestion de conflits, composer avec des personnalités difficiles, soit des clients ou des membres de l’équipe, représente un autre challenge auquel les managers sont confrontés. Afin de ne pas perdre un client ou des contributions significatives d’un collaborateur, les compétences QE, telles que la sensibilité, le respect, la patience, l’ouverture et l’empathie joueront un rôle capital.

Il s’agit de différencier les comportements non-conformistes des comportements néfastes et préjudiciables, ainsi que d’apprendre à collaborer avec des personnes avec lesquelles on a peu d’affinité.

De bonnes techniques de négociation, une autre compétence des managers performants dépendent également fortement de l’intelligence émotionnelle: la recherche de solutions win-win où les deux partenaires devraient faire des compromis, mais où chacun obtient un résultat important pour lui.

7. Coaching

L’expérience n’est pas ce qui vous arrive mais la manière dont vous interprétez ce qui vous arrive.”   Aldous Huxley

Il est difficile d’imaginer des coaches qui pourraient fonctionner avec succès sans un QE élevé. Leur impact dépend de leur perception correcte de leurs propres sentiments et du contrôle de leurs émotions, de leur aptitude à établir des relations significatives et de confiance, ainsi que de leur capacité empathique.

“Les études ont révélé que la compétence managériale la plus importante qui sépare les managers les plus efficaces des managers moyens est le coachingIl bâtira des liens plus forts entre vous et les membres de votre équipe, les encouragera à prendre le contrôle de leur propre apprentissage et les aidera à développer les compétences qui les mènera au sommet de leur performance” (8).

Le projet « Oxygène » de Google place le coaching tout en haut de leur liste des 8 compétences managériales les plus appréciées par leurs employés. La tenue régulière de rencontres individuelles avec leurs collaborateurs, engager des échanges et des conversations, plutôt que de se limiter à des directives et de leur donner des feedbacks personnalisés et constructifs sont parmi les attributs clés d’un coaching efficace (2).

Messages clés

Dans toute situation importante où les managers jouent un rôle décisif, comme en leadership, le recrutement de nouveaux collaborateurs, la motivation, le coaching, le team building et la gestion de conflits, leur QE représente l’ingrédient clé de succès. Pourtant, son importance est souvent sous-estimée et subordonnée aux compétences techniques au détriment de leurs équipes, leurs clients et le résultat financier.

L’intelligence émotionnelle est centrée sur la conscience de ses sentiments et leur management, ainsi que leur impact sur l’entourage. Elle fait appel au contrôle de soi et l’aptitude de percevoir les émotions des autres, ainsi qu’une réponse empathique.

Le QE contribue d’une manière substantielle à augmenter la productivité, la créativité et la rétention des talents tout comme le bien-être. Elle peut représenter un avantage compétitif significatif dans la situation concurrentielle actuelle.

Non seulement est-il essentiel pour les managers de développer leur propre QE, mais ils doivent également renforcer l’intelligence émotionnelle de leurs collaborateurs.

La bonne nouvelle c’est que, contrairement au QI ou la personnalité, il est possible d’améliorer le QE et les compétences interpersonnelles à tout âge, par l’entraînement et en particulier par le coaching personnalisé.

Références

Goleman, D. (2014), L’intelligence émotionnelle : Intégrale. Edition, J’ai lu, collection Semi-Poche Prat.

  1. https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-le-management-traditionnel-est-voué-à-léchec-goldschmid?trk=mp-reader-card
  2. http://www.maestrio.com/actualites/points-de-vue/59-les-8-secrets-du-manager-dexception-selon-google
  3. Améliorer la selection et la formation des managers
  4. https://www.linkedin.com/pulse/les-5-dimensions-essentielles-du-leadership-marcel-lucien-goldschmid?trk=mp-reader-card
  5. https://www.linkedin.com/pulse/les-5-facteurs-clés-qui-favorisent-lengagement-et-le-des-goldschmid?trk=mp-reader-card
  6. http://www.slate.fr/life/81891/cote-obscur-intelligence-emotionnelle
  7. http://www.terrafemina.com/emploi-a-carrieres/bien-etre-au-travail/articles/26150-gestion-des-conflits-en-entreprise-7-conseils-aux-managers.html
  8. https://hbr.org/2014/07/you-cant-be-a-great-manager-if-youre-not-a-good-coach/

Dr. Marcel Lucien Goldschmid, Directeur, Management Training & Coaching, MTC