« Une bonne partie de ce que nous appelons ‘management’ aujourd’hui ne sert qu’à rendre difficile le travail des gens. »   Peter Drucker

 De nombreuses études ont révélé les échecs alarmants du management traditionnel affectant individus, organisations et société : démotivation dramatique des employés, perte de productivité, diminution de la compétitivité, service à la clientèle défaillant, incapacité à attirer et à retenir les talents, taux de rotation élevé et bien-être des travailleurs en souffrance (1).

Pourquoi le management traditionnel a-t-il failli si lamentablement ? Il en ressort cinq raisons principales, expliquées ci-dessous. Elles sont toutes interdépendantes, chacune interagissant avec les quatre autres.

1. La conception du management

 « Le management représente une opportunité pour aider les gens à devenir meilleurs. En le pratiquant de cette manière, c’est une profession magnifique. » Clayton Christensen

 Il est urgent de créer un nouveau design du management, d’une conception de son rôle et de sa fonction radicalement différente. Il indispensable de tenir compte de l’évolution profonde du travail et de la société, ainsi que des nouveaux besoins et attentes des employés. Il existe une forte demande pour un leadership plus inspirant et pour des conditions de travail plus humaines et flexibles (2 ; 3 ; Hamel, 2008 ; Jacob, 2014 ; Laloux, 2015).

 Il est vital de comprendre l’énorme impact du management sur les organisations publiques et privées, ainsi que sur les gouvernements. Il touche toutes les sphères de notre vie professionnelle et privée, comme le souligne Raymond Hofmann : « si on veut s’épanouir au travail, cela dépend largement de la qualité du management. Mais ce n’est pas tout : comme on se sent au travail déborde rapidement sur la vie privée et influence la façon de traiter sa famille et ses amis…nous devons traiter le management pour ce qu’il est : la plus importante fonction sociale du monde » (4).

2. Management et leadership

 Il y a passablement de confusion concernant le management et le leadership, leur interaction et complémentarité.

 Il est impossible de séparer managers et leaders. « Il faut voir le management et le leadership comme un seul concept unifié. L’un sans l’autre n’a pas beaucoup de sens pratique : comment peut-on diriger, si on ne peut pas manager ? Et comment peut-on manager, si on ne sait pas diriger » (4) ?

 Tous les managers, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie, sont désignés par l’organisation. Le leadership émerge en fonction des attributs personnels et du contexte. Les leaders ne peuvent pas être nommés par une organisation. Certains grands directeurs manquent de leadership, mais on trouve des leaders sans aucun titre dans n’importe quelle unité ou équipe.

 3. Sélection des managers

« Le management traite de personnes, de leurs valeurs, de leur développement. » Peter Drucker

Parmi les décisions les plus importantes que prend toute organisation, il y a la nomination des managers. Pourtant les organisations choisissent malheureusement systématiquement la mauvaise personne, dans plus de 80% des cas (5). Les critères de sélection ne sont pas alignés sur la fonction ni sur les exigences requises pour être manager.

Le scénario typique de la promotion managériale est bien connu: le technicien le plus habile devient chef technicien, le meilleur vendeur responsable de l’équipe de vente, le comptable le plus capable chef comptable et ainsi de suite.

Certes, une compétence technique supérieure peut représenter un atout dans la nouvelle fonction, mais elle est très loin d’être suffisante. Pensez à toutes les responsabilités auxquelles doit faire face le nouveau manager : recruter, guider, former, coacher, évaluer les membres de son équipe; les motiver, stimuler et encourager; fixer les attentes, objectifs et priorités; résoudre des conflits et de nombreux autres défis auxquels il sera confronté et des tâches qu’il a rarement eu l’occasion d’exercer auparavant.

Finalement, n’oublions pas le cercle vicieux qui peut s’installer quand des critères de sélection ne correspondent pas aux exigences de la fonction : les cadres supérieurs, ayant été eux-mêmes choisis par cette voie erronée, promeuvent les mauvais cadres inférieurs qui à leur tour recrutent des employés qui n’ont pas les compétences requises pour le poste. Imaginez cet effet de « cascade » sur la motivation, la productivité et le bien-être de l’ensemble des collaborateurs (6) !

4. Formation et coaching des managers

 « Le succès en management exige un apprentissage qui est aussi rapide que le changement dans le monde ».   Warren Bennis

 Pour empirer la situation et aggraver davantage encore les erreurs initiales de sélection, peu de managers bénéficient d’une formation avant ou après leur nomination.

Toute autre profession exigeante et multidimensionnelle comme le management, tel que médecin, avocat, psychologue ou ingénieur requiert plusieurs années de formation de base et de pratique avant son exercice initial, ainsi qu’une attestation de compétence professionnelle et un perfectionnement continu.

Tel n’est pas le cas pour les managers. Aucune qualification ou certification est nécessaire et la formation reste très lacunaire – souvent limitée à quelques jours ou semaines. Ceci en dépit de l’énorme impact du management sur toute organisation, privée ou publique, les employés et la société. Cela représente réellement l’un des plus grands paradoxes de notre temps.

 Afin de pouvoir répondre aux exigences de haut niveau de leur fonction, les managers ne devraient-ils pas acquérir les nombreuses compétences indispensables en matière de gestion, telles que leadership, intelligence émotionnelle, vision stratégique, savoir-faire opérationnel, gestion du changement, délégation, communication efficace, écoute active, recrutement de talents, team building, résolution de conflits et gestion du stress et du temps ?

En complément à une formation en management, tout manager devrait avoir accès à un coaching individuel. Ce coaching leur permettrait d’aborder leurs préoccupations personnelles et poser leurs questions particulières, ainsi que de développer leur conscience de soi. Cela les aiderait aussi à créer une relation authentique et constructive avec leurs membres d’équipe et un climat de soutien mutuel. Bien entendu, tout blocage ou barrière entre eux et leurs collaborateurs serait également un sujet d’échange du coaching. Toutes ces compétences et questions peuvent être évoquées dans un coaching personnalisé sur mesure et adaptées aux besoins et défis de chacun.

Et finalement, à travers le coaching pour eux-mêmes, les managers apprendraient des méthodes et outils qu’ils pourront appliquer dans leur coaching de leurs collaborateurs, une approche qui a fait ses preuves et s’est révélée beaucoup plus performante que la « supervision » ou le micro-management des employés.

5. Evaluation et responsabilité

 Les collaborateurs sont régulièrement évalués afin d’identifier leurs forces et des domaines où ils pourraient progresser. Cela devrait valoir tout autant pour les cadres à tous les niveaux, spécialement en ce qui concerne la qualité de leur management du personnel.

Les évaluations annuelles de la performance des managers et des sondages périodiques sur l’engagement du personnel ne sont pas la réponse. Ce qu’il faut sont des procédures continues d’évaluation et de feedback valables et concrets de la part des collaborateurs sur lesquelles les managers pourront agir à temps utile et d’une manière constructive.

Alors que les évaluations des cadres s’avèrent indispensables, cela ne suffit pas. Les managers doivent rendre des comptes à leurs supérieurs et les évaluations doivent être impérativement suivies par des actions concrètes de correction. Malheureusement ce n’est pas le cas. Selon des études, « la responsabilité de loin la plus esquivée de la part des cadres dirigeants est de tenir responsables les cadres de la qualité de la gestion de leur personnel » (7).

 Il ne suffit pas d’articuler une vision, d’exprimer des attentes et de définir des objectifs. A moins que le comportement des managers soit jugé et suivi de conséquences, la gestion du personnel et des besoins des travailleurs resteront négligées, pourtant vitales pour le succès des entreprises, voire pour leur survie.

L’avenir du management

« Pour la première fois depuis un siècle, il n’est plus possible de construire un avenir pour une entreprise sans s’assurer qu’il soit digne des êtres humains. » Gary Hamel

Le management n’a pas su suivre le rythme des changements rapides que la société a subi. Surtout, il n’a pas su capturer l’esprit humain et répondre au besoin profond des hommes de trouver un épanouissement et un sens dans le travail.

Les échecs dramatiques du management nécessitent un changement radical: l’abandon de la concentration du pouvoir au sommet de la hiérarchie vers plus de participation et de gestion autonome des travailleurs. L’abandon du «commandement et contrôle », vers des structures plus dynamiques, plus d’ouverture, de flexibilité, de liberté et de créativité. Le but est de « créer une organisation – en tenant compte de l’environnement de travail actuel – qui est magnétique et attractif, crée un haut niveau de performance et de passion, et surveille en continu les problèmes qu’il faut régler » (8).

Messages clés

 De nombreuses études ont démontré les échecs retentissants du management traditionnel dans le monde entier. Les conséquences sont dévastatrices pour les travailleurs, les organisations et la société.

 Cinq raisons majeures de ces échecs ont été identifiées :

–Un manque de compréhension et de préoccupation concernant le rôle critique du management

–La séparation du management et du leadership

–Les critères de sélection des managers ne sont pas alignés sur les compétences requises pour un management efficace

–Les managers ne bénéficient pas d’une formation et d’un coaching, ni avant ni après leur nomination

–Les évaluations des managers sont insuffisantes. Les cadres dirigeants doivent les tenir responsables, en particulier de leur gestion du personnel

 Réinventer le travail et le management est devenu une nécessité absolue compte tenu de leurs rôles décisifs dans notre vie quotidienne.

 Références

 Hamel G. (2008), La Fin du management: Inventer les règles de demain, Vuibert.

Morgan J. (2014), The Future of Work: Attract New Talent, Build Better Leaders, and Create a Competitive Organization. Wiley.

Laloux F. (2015), Reinventing organizations : Vers des communautés de travail inspirées, Editions Diateino.

1. Ameliorer.la.selection.et.la.formation.des.managers
2. https://www.linkedin.com/pulse/les-5-dimensions-essentielles-du-leadership-marcel-lucien-goldschmid?trk=mp-reader-card
3. http://www.raymondhofmann.com/management-is-failing-people-and-institutions/
4.  http://www.raymondhofmann.com/management-is-the-most-important-social-function-in-the-world/
5. http://www.fastcompany.com/3045453/hit-the-ground-running/how-the-wrong-people-get-promoted-and-how-to-change-it
6. http://www.gallup.com/businessjournal/182228/managers-engaged-jobs.aspx
7. http://www.forbes.com/sites/victorlipman/2014/05/05/how-to-improve-management-accountability-in-your-organization/
8. http://dupress.com/articles/employee-engagement-strategies/

Dr. Marcel Lucien Goldschmid, Directeur, Management Training & Coaching, MTC