Allier productivité et bien-être des collaborateurs n’est pas antinomique. Des exemples le démontrent, aussi en Suisse

Le bien-être des collaborateurs est-il compatible avec la productivité de l’entreprise?Oui, si l’on en croit de nouveaux modèles de manage-ment qui font leurs preuves dans notre pays. Certaines sociétés actives en Suisse expérimentent des modèles de management avec succès. Elles viendront en parler lors d’un forum qui se tiendra à Montreux le 8 juin prochain*. Nous en présentons trois d’entre elles plus loin.

La thématique a une portée énorme, rappelle Marcel Goldschmid, l’une des chevilles ouvrières du forum. «La liberté et l’autonomie accordées aux collaborateurs augmentent leur responsabilité. S’ils se sentent bien dans leur entreprise, ils sont moins absents au travail, leur productivité augmente, les clients sont davantage satisfaits et les résultats économiques vont en s’améliorant.»

Mais la démarche doit être sincère, rappelle Marcel Goldschmid. «Les collaborateurs ne sont pas dupes: s’ils sentent que l’entreprise ne le fait que pour améliorer ses résultats, si le chef ne traduit pas la philosophie dans son comportement, cela ne fonctionne pas.»

Des exemples? Loyco a été fondée en 2013 à Genève. Elle pro-pose des services administratifs (RH, marketing, comptabilité, assurances, etc.) à des sociétés de toute taille. L’entreprise compte à ce jour 80 collaborateurs sur plu-sieurs sites en Suisse. «Dès le dé-part, on a choisi de développer un modèle de management «libéré», même si je n’aime pas ce terme, explique le fondateur de Loyco, Christophe Barman. Je préfère parler d’intelligence collective. En claire, si on crée les conditions cadres de travail adéquates, les collaborateurs vont tirer à la même corde sans qu’on ait besoin de les contrôler.»

L’intelligence collective se développe autour de cinq piliers, as-sure Christophe Barman. «Chaque collaborateur doit avoir le pouvoir de prendre des initiatives en ce qui concerne son travail. Il doit avoir en main toutes les informations nécessaires à son travail. Il ne doit pas se sentir menacé à la moindre erreur de sa part. Il doit partager les valeurs de l’entreprise. Enfin, cette dernière doit partager les efforts mais aussi les richesses à travers l’intéressement.»

Chez Loyco, les horaires de travail sont libres, tout comme le lieu de travail et le dresscode. «Dans la limite du bon sens», relève Christophe Barman.

Ce type de management a toutefois ses revers. «Lorsqu’ils ont une grande autonomie, certains collaborateurs se mettent la pression tous seuls et ont de la peine à la gérer, s’inquiète le patron de Loyco. Cela débouche sur des situations proches du burnout. Il faut les accompagner par un mentoring, un coaching. Mais en règle générale l’autonomie est très appréciée.»

Christophe Barman s’inquiète aussi de ce qu’il nomme la tyran-nie du collectif. «Lors de séances de feedback, les employés ne se rendent pas compte du traumatisme qu’ils peuvent engendrer sur un collègue lorsqu’on le montre du doigt devant tout le monde parce qu’il a fait une erreur. Il faut développer une communication bienveillante.»

Les nouveaux modèles ne con-cernent pas que les entreprises du tertiaire. A preuve le programme EquiLibre mis en place il y a cinq ans aux SIG (Services industriels de Genève). «Actuellement, sur un total de 1700 collaborateurs, 650 personnes travaillent selon ce programme de management», ex-plique Christian Brunier, directeur général, à l’origine du pro-gramme. Chaque chef d’unité décide, ou non, d’y prendre part. Certains ont mis sur pied une votation à l’interne.

Flexibilité accrue:

En quoi consiste EquiLibre? «Les employés n’ont plus de poste de travail fixe et les horaires ne sont pas contrôlés. Le travail à domi-cile est aussi possible dans une certaine mesure.» Cette flexibi-lité a des effets mesurables. «Nous n’obligeons plus nos colla-borateurs à venir aux SIG chaque matin pour prendre leur véhicule de fonction. Ils peuvent les gar-der chez eux. En éliminant les déplacements inutiles, nous avons constaté que, en moyenne, chaque véhicule roulait entre 7000 et 9000 km de moins par année.»

Le directeur des SIG constate que les employés veulent démontrer qu’ils méritent la confiance et la responsabilité qu’on leur donne. «Dans les secteurs où l’on peut quantifier le gain de productivité, celle-ci augmente de 10 à 15%», assure Christian Brunier.

Le CEO des SIG se réjouit du succès d’Equilibre. «Au début, le programme a rencontré un tiers d’adhésion parmi le personnel. Plus le processus avance, plus les gens ont envie d’en faire partie. Nous avons par ailleurs impliqué les syndicats. Les employés syndiqués qui prennent part à EquiLibre sont devenus nos meilleurs ambassadeurs. Mais certains secteurs, comme la réception ou le travail en équipes sur les chantiers, sont in-compatibles avec ce modèle.»

Le management nouveau est tout autant possible dans des multinationales. A l’image du pro-gramme de coaching mis en place par Nestlé. Tous les employés peuvent y prendre part. «Notre programme de formation EveryDayCoaching permet de diffuser au sein de l’entreprise cet état d’esprit propre au coaching fondé sur l’écoute, le questionnement ou encore l’échange et d’en intégrer les pratiques au quotidien, indique Séverine Jourdain, cheffe du coaching chez Nestlé. Nous avons souhaité porter une attention particulière aux managers car nous pensons qu’ils sont des vecteurs essentiels du changement. Les employés qui y prennent part ont davantage conscience d’eux-mêmes et de leur rapport à l’autre. Nous constatons l’impact positif sur leur perception de leur engagement.»

Forum Management Montreux, le 8 juin 2017.

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