“C’est triste, vraiment, de voir comment un lieu de travail négatif impacte notre vie et la façon dont nous nous percevons. La situation a atteint les sommets d’une pandémie – la plupart des gens occupent des emplois qu’ils détestent, supervisés par des personnes qui se ne se préoccupent pas d’eux et dirigés par des cadres supérieurs qui souvent ne savent pas où mener leur entreprise.”           Leigh Branham et Mark Hirschfeld

Les enjeux de l’engagement au travail sont énormes. Le niveau d’engagement se répercute sur les résultats financiers, la créativité et l’innovation, la qualité des produits et services, l’image et la réputation, l’absentéisme, la rotation et la fidélisation des talents, ainsi que le bien-être du personnel (1).

La bonne nouvelle c’est que certaines organisations réussissent à créer un environnement stimulant et positif où les employés sont épanouis, productifs et obtiennent des résultats exceptionnels (Hsieh, 2011 ; Getz et Carney, 2013 ; Vanhee, 2013 ; Nayar, 2011).

Alors, quelles mesures faut-il mettre en place pour figurer parmi les“best places to work”? Quels sont les critères qui favorisent l’implication des collaborateurs et leur bien-être ? La recherche a révélé 5 facteurs clés, résumés ci-dessous.

1. Le management

Il est crucial de comprendre l’énorme impact du management sur les organisations, l’économie et les individus. Il affecte notre vie professionnelle autant que notre vie personnelle. Les composantes du management qui jouent un rôle critique comprennent (2) :

Le choix des managers : les critères de sélection des managers doivent obligatoirement être alignés sur les compétences et les exigences de leur fonction.

Les capacités de leadership : le leadership ne peut-être séparé du management. Il n’est pas possible d’être un manager efficace sans capacités de leadership (3).

Les compétences managériales : l’aptitude du manager à bien écouter et communiquer, à se servir de son intelligence émotionnelle, à recruter, à développer et retenir les talents, à entretenir l’esprit d’équipe, à déléguer, à gérer les conflits, notamment, se répercute sur l’engagement des collaborateurs au quotidien.

La formation et le coaching des managers : sans formation intense au préalable, ni formation continue ni coaching personnalisé, comment peut-on s’attendre à ce que les managers puissent exercer correctement ce métier exigeant?

L’évaluation des managers : des évaluations régulières des cadres s’avèrent indispensables et les dirigeants doivent les tenir responsables de la qualité de la gestion de leur personnel.

2. La culture d’entreprise

Outre le management et le leadership, la culture d’entreprise a une incidence majeure sur l’engagement. Les études ont révélé les nombreux éléments qui jouent un rôle décisif (4):

l’implication des dirigeants : sans surprise, le leadership des cadres supérieurs représente un des principaux ingrédients des “great places to work” (entreprises où il fait bon travailler). Sans leur appui ferme et constant, associé à un vrai souci du win-win et de réciprocité, toute initiative destinée à renforcer l’engagement des employés est vouée à l’échec.

le recrutement des employés : la qualité du recrutement et la sélection des nouveaux employés figure sans conteste parmi les facteurs les plus importants de l’engagement. Trouver la correspondance optimale entre les exigences du poste et les qualifications du candidat constitue un défi majeur.

un management basé sur les forces des collaborateurs: se focaliser sur les compétences s’avère plus gratifiant pour les employés et l’entreprise. Tâcher de remédier aux lacunes est plus couteux et moins efficace. Quand les collaborateurs ont la possibilité de faire ce qu’ils font le mieux, ils atteignent un niveau de performance beaucoup plus élevé (5).

établir la confiance et la transparence : les employés dont les supérieurs sont ouverts et accessibles s’impliquent davantage. Il doit être possible pour les collaborateurs de communiquer sans crainte avec leurs supérieurs, poser des questions, proposer des changements et faire des recommandations d’amélioration. Un milieu de travail productif est un lieu où les gens se sentent à l’aise pour expérimenter, challenger, partager l’information et se soutenir(5).

établir des relations sincères et authentiques avec les managers et collègues : les managers efficaces connaissent leurs collaborateurs et en prennent soin. Ils les rencontrent régulièrement, les écoutent et assurent un suivi de leur feedback. Des relations étroites et agréables avec les collègues sont également primordiales.

la gestion de la performance : quand les managers aident les collaborateurs à établir les priorités de leur poste, ils leur donnent plus de liberté dans la manière d’atteindre leurs objectifs, leur permettant des initiatives et de travailler d’une façon plus autonome(5).

évaluations et responsabilités : des évaluations régulières, concrètes et avec des mises en pratique de l’engagement et le bien-être des employés doivent être suivies de corrections et d’améliorations spécifiques et rapides. Les évaluations annuelles de performance, encore largement utilisées, se sont montrées inefficaces et représentent une perte de temps et de ressources.

équilibre entre travail et vie personnelle : afin de maintenir son bien-être, il est indispensable de se déconnecter de son travail et trouver du temps pour la famille, les amis, les loisirs et le repos (6). De nombreuses études ont démontré que travailler beaucoup plus que 40 heures hebdomadaires est contre-productif, diminuant la productivité globale et la qualité du travail. Et quand le travail et la vie personnelle sont en déséquilibre, le niveau de stress risque de provoquer des dégâts (7).

l’apprentissage et le développement : une culture d’entreprise florissante offre des nouveaux challenges, des formations, du coaching, des opportunités pour progresser, ainsi qu’une mobilité interne. Les investissements de l’organisation qui vont dans ce sens sont largement rentables : il en résulte un engagement et une performance plus élevés, ainsi qu’une meilleure attraction et rétention des talents.

En résumé, une entreprise dotée d’une culture qui est régie par le principe de réciprocité, basée sur le respect des collaborateurs, où leurs contributions sont reconnues et honorées et où on veille à leur bien-être, a de fortes chances de jouir d’un engagement des employés soutenu et de résultats financiers élevés.

3. La motivation

“Des collaborateurs démoralisés, démotivés, peu appréciés, ne peuvent pas être compétitifs dans un monde hautement concurrentiel.”    Frances Hesselbein

Le niveau d’engagement est intimement lié à des facteurs de motivation. La motivation et les besoins fondamentaux de l’homme ont été étudiés par les psychologues depuis longtemps et ont fait l’objet d’intenses investigations (cf. Pink, 2016), bien avant que “l’engagement” soit devenu une préoccupation majeure dans les cercles de management

–Maslow, par exemple, était parmi les pionniers à explorer la motivation. Sa Pyramide des cinq besoins fondamentaux a inspiré d’innombrables études et théories à ce jour.

–Herzberg a démontré que la motivation extrinsèque ou l’approche de la carotte et du bâton, est beaucoup moins efficace pour la plupart des tâches que la motivation intrinsèque. Alors que les récompenses financières, la sécurité de l’emploi, les conditions de travail et les avantages sociaux sont importants pour maintenir la satisfaction au travail et lutter contre la démotivation, les véritables facteurs de motivation sont le travail lui-même, les défis, la responsabilité, l’accomplissement, la reconnaissance et la possibilité d’avancer.

–Deci et Ryan ont introduit la théorie de l’autodétermination focalisée sur trois besoins innés et universels : l’autonomie (liberté de faire des choix, d’explorer et d’expérimenter, d’apprendre et de progresser), la compétence (utiliser ses forces, être performant, atteindre la maîtrise) et les relations (être connecté avec les autres, bénéficier de relations positives, ressentir une atmosphère chaleureuse et bienveillante).

La satisfaction de ces besoins rend le fonctionnement humain optimal et favorise l’engagement. Une étude récente (8) illustre l’impact puissant de la motivation intrinsèque sur la performance, produisant de meilleurs résultats auprès des clients et des rendements financiers supérieurs.

La motivation est un état interne générée par des besoins humains. Elle ne peut être commandée ou dirigée de l’extérieur, mais elle est profondément influencée par le management, le leadership et la culture d’entreprise.

4. Les émotions

La psychologie positive a révélé de nombreuses dimensions qui affectent notre performance et bien-être (Achor, 2015 ; Ben-Shahar, 2011 ; Csikszentmihalyi, 2006 ; Seligman, 2013). Voici quelques constations importantes :

–les émotions positives et un état d’esprit positif rehaussent la productivité et améliorent les relations.

–une vision optimiste est contagieuse, tout comme l’engagement.

–les émotions positives nous aident à réduire le stress et par là à augmenter notre performance.

–quand nous sommes heureux, selon Achor, nous sommes plus avisés, plus motivés et nous réussissions mieux. Le bonheur alimente le succès, et non l’inverse, et procure à l’organisation un avantage concurrentiel. Le soin apporté au bonheur par Google à ses collaborateurs est légendaire, tout comme leurs résultats commerciaux exceptionnels (9).

–afin de s’épanouir et vivre un bonheur durable, Seligman a identifié les cinq ingrédients PERMA : P : émotions positives, se sentir bien, avoir du plaisir ; E : engagement, un état de « flow » ; R : relations, être connecté aux autres de manière authentique ; M : (Meaning) sens de la vie, une existence significative et utile ; A : accomplissements et succès.

–l’expérience de flow est vécue quand on est complètement absorbé par une tâche aux buts ambitieux mais atteignables. Totalement concentrés et ressentant des émotions positives intenses nous pouvons fonctionner au sommet de notre potentiel.

La conscience de soi, la pleine conscience et le bien-être spirituel et émotionnel contribuent également à une vie bien équilibrée et à une plus grande efficacité.

5. La responsabilité des employés

Méfions-nous de toute approche manichéenne en tenant pour seuls responsables les organisations et le management de tout manquement d’engagement. Il est vrai que le rôle du management est capital (selon Gallup 70% de la variance de l’engagement est attribuable aux managers), mais en fin de compte, ce sont les employés qui choisissent combien d’efforts ils veulent engager et où et comment ils souhaitent s’impliquer. L’expérience montre que même si tout paraît en place pour assurer des conditions de travail optimales, certains employés peuvent décider de ne pas apporter tout qu’ils pourraient à l’entreprise.

Les bénéfices potentiels de leur engagement pour les travailleurs eux-mêmes comprennent :

–éprouver fierté et satisfaction pour la qualité de leur travail

–rester congruent avec ses propres valeurs et éthique

–prendre plaisir et s’épanouir

accroître les possibilités d’apprendre et de progresser

recevoir de la reconnaissance pour ses contributions de la part de ses supérieurs et de ses collègues, ainsi que de favoriser son avancement ultérieu

–et surtout trouver des opportunités pour contribuer aux changements de la culture d’entreprise et créer une expérience plus positive au travail

Messages clés

“Traitez toujours vos collaborateurs exactement comme vous désirez qu’ils traitent vos meilleurs clients”.      Stephen R. Covey

Vu les énormes conséquences de l’engagement des employés, il est crucial de comprendre et d’agir sur les forces qui propulsent l’engagement et le bien-être :

–La qualité du management – la sélection et la formation des managers, leurs savoir-faire et leur capacité de leadership, ainsi que l’évaluation de leur performance.

–Les nombreuses facettes de la culture d’entreprise basée sur la réciprocité qui renforcent la performance et le bien-être.

–L’importance de la motivation intrinsèque, le sens et la signification de son travail et l’expérience du travail lui-même.

–L’impact des émotions positives sur le climat de travail.

–La responsabilité des employés eux-mêmes dans les choix qu’ils effectuent quant à leur implication au travail.

Références 

Achor S. (2015), Comment devenir un optimiste contagieux, Pocket.

Ben-Shahar T. (2011), L’apprentissage du bonheur, Pocket.

Csikszentmihalyi M. (2006), Vivre, Pocket.

Getz I., Carney B. (2013), Liberté & Cie: Quand la liberté des salaries fait le succès des entreprises, Flammarion.

Hsieh T. (2011), L’entreprise du Bonheur, Leduc.

Pink M. (2016), La vérité sur ce qui nous motive. Flammarion.

Nayar V. (2011), Les employés d’abord, les clients ensuite: Comment renverser les règles du management, Diateino.

Seligman (2013), S’épanouir : Pour un nouvel art du bonheur et du bien-être, Belfond.

Vanhee L. (2013), Happy RH : Le bonheur au travail. Rentable et durable. La Charte.

  1. Ameliorer la selection et la formation des managers
  2. https://www.linkedin.com/pulse/pourquoi-le-management-traditionnel-est-voué-à-léchec-goldschmid?trk=mp-reader-card
  3. https://www.linkedin.com/pulse/les-5-dimensions-essentielles-du-leadership-marcel-lucien-goldschmid?trk=mp-reader-card
  4. http://dupress.com/articles/employee-engagement-culture-human-capital-trends-2015/?id=us:2el:3dc:dup1132:eng:cons:hct15
  5. http://www.gallup.com/businessjournal/182321/employees-lot-managers.aspx
  6. http://www.mayoclinic.org/healthy-lifestyle/adult-health/in-depth/work-life-balance/art-20048134?pg=1
  7. Imperatif 2014 concilier performance et bien être au travail
  8. https://hbr.org/2015/11/how-company-culture-shapes-employee-motivation
  9. http://www.slate.com/articles/technology/technology/2013/01/google_people_operations_the_secrets_of_the_world_s_most_scientific_human.html

Dr. Marcel Lucien Goldschmid, Directeur, Management Training & Coaching, MTC